L'assassinat d'Alexandre 1er en 1934


Les faits :

    "Le roi Alexandre 1er de Yougoslavie fut assassiné sur la Canebière par deux hommes Krajli, un Croate, et Vlada, un Macédonien. Tous deux, membres de l'organisation révolutionnaire croate “Oustacha” - dont le nom signifie "résistance" ou "rebellion"- avaient accepté cette mission suicide : tuer le roi alors qu'il entamait une visite officielle en France. Leur but est d'attirer l'attention de la communauté internationale sur la volonté de la Croatie de se séparer du royaume dirigé par Alexandre 1er et de devenir indépendant...”

    Aussi en ce mardi 9 octobre 1934, tout Marseille, enthousiaste, attend le roi Alexandre Ier, qui doit débarquer du croiseur “Dubrovnik”. Sur le quai des Belges, le ministre des Affaires étrangères, Louis Barthou, l'attend.

    Les deux hommes se saluent, avant de monter dans une Delage découverte,accompagnés du général Georges. Encadrée par des troupes à cheval, la voiture commence à remonter la Canebière, sous les vivats de la foule: "Vive la Serbie", crient les uns, "Vive la Yougoslavie", crient les autres.

    A peine quelques minutes plus tard, devant le palais de la Bourse, un homme sort de la foule. Il passe sous l'encolure d'un cheval et court vers la voiture. Le service d'ordre marque un temps d'arrêt. Qui est cet homme ? Forcément un admirateur, puisqu'il crie: "Vive le roi!" A moins que ce soit un photographe ? Mais, en fait d'appareil-photo, c'est un pistolet Mauser qu'il sort de ses vêtements. C'est Vlada, le Macédonien. Il monte sur le marchepied de la Delage, s'agrippe à la portière de la main gauche et, de la droite, ouvre le feu.

    Le roi est touché. Le général Georges tente de s'interposer; Vlada lui tire dessus, puis abat un agent de police qui l'avait ceinturé. D'autres coups de feu claquent, qui ne couvrent pas les hurlements de la foule. Il faudra qu'un colonel faisant partie de la garde d’honneur sorte son sabre et, du tranchant, l'abatte à deux reprises sur le crâne de l'Oustachi. Vlada s'effondre ; d'autres coups de feu sont tirés, notamment sur le corps inerte du terroriste. Le roi est mort.

    Le général Georges, grièvement blessé, est extrait de la voiture ; il survivra. Louis Barthou, lui, est blessé au bras. Il sort de la Delage.

    Personne ne semble se soucier de lui. Il trouve un taxi qui l'emmène à l'Hôtel-Dieu. Il a déjà perdu beaucoup de sang. Vite, on lui fait un garrot ; mais on le lui place au poignet, alors qu'il est blessé au coude... Moins d'une demi-heure après l'attentat, il rend lui aussi son dernier soupir.

    Plus tard, au tragique s'ajoutera le grotesque : le rapport balistique - établi par l'expert armurier Gatimel, dont le magasin existe toujours, au bas de la rue Paradis - révélera que le ministre a été atteint non par le Mauser de Vlada, mais par les balles de la police française ! Laquelle a également inscrit à son tableau de chasse quatre personnes dans l'assistance: deux morts, deux blessés...

    Décidément, comme le résumera l'historien Guy Chambarlac: "Tout avait fonctionné de travers durant cette journée, en dehors du Mauser de Vlada".

Ce dernier, transporté à la Sûreté, agonisera tout l'après-midi, avant de mourir à 19 heures. Sans avoir prononcé un mot. Mais en ayant peut-être compris qu'il avait réussi sa mission..."


Le contexte historique et politique :

    Le drame révèle la faiblesse des Etats issus de la décomposition de l'Autriche-Hongrie et de l'Empire turc. La Yougoslavie, ou " Royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes ", est née en 1918 du rattachement à la Serbie de différents peuples slaves de l'Europe du sud qui avaient toujours vécu en paix les uns avec les autres mais sans jamais cohabiter dans le même Etat. Le nouvel Etat absorbe aussi des minorités non-slaves : Albanais, Hongrois, Allemands, Grecs...

     Au sein de la fédération, les Serbes et leur roi revendiquent un rôle moteur du fait de leur contribution à la destruction de l'Autriche-Hongrie et à la formation de la Yougoslavie. Les Croates et les Slovènes ne l'entendent pas de cette oreille. Attachés à la civilisation danubienne et baroque de la Mitteleuropa, plus développés et plus ouverts sur l'Occident que leurs voisins serbes, ils tiennent à leur autonomie, voire à leur indépendance.

    C'est ainsi qu'un certain Ante Pavelic fonde en 1929 un mouvement terroriste croate, les Oustachis ("les Insurgés" en serbo-croate). Il se donne pour objectif de lutter contre l'hégémonie serbe et le pouvoir dictatorial du roi. Les Oustachis et leur chef se déshonoreront en 1941 en collaborant avec Hitler et l'occupant allemand.