Du sel au pétrole


Disparue, oubliée, n’existant plus dans les paysages qu’à travers des amas de ruines difficilement identifiables, la fabrication du carbonate de soude par le procédé Leblanc - couramment appelé "soude artificielle" ou "soude factice" - a pourtant été une des grandes activités de transformation du port de Marseille et de notre région. Très tôt, dans le siècle, elle s’est imposée, permettant ainsi à la Provence littorale de jouer un rôle de premier plan dans le grand mouvement européen de modernisation des systèmes productifs et des rapports sociaux. Située au cœur de l’industrie chimique locale jusqu'à la Première Guerre mondiale, l’industrie de la soude a imprimé sa marque à de nombreux quartiers de la ville de Marseille - l’Estaque, Septèmes, la Madrague-ville, la Madrague-Montredon, les Goudes - et à plusieurs sites de l’Hérault, du Gard, du Vaucluse, des Bouches-du-Rhône et du Var comme Montpellier, Salindres, Sorgues, Salin-de-Giraud, Port-Saint-Louis-du-Rhône, Fos, Rassuen, le Plan d’Aren, Lavéra, Ponteau, Port-de-Bouc, Berre ou encore aux îles des Embiez, de Porquerolles et de Port-Cros. Certaines de ces localités demeurent toujours des pôles chimiques importants mais ignorent, le plus souvent, que leurs activités s’inscrivent dans une tradition industrielle dont les racines remontent au tout début du XIXe siècle.

Pour aborder l’histoire de cette branche, trois axes de recherche ont été privilégiés : les stratégies des entreprises face aux multiples évolutions des marchés dans lesquels elles évoluent et dont elles dépendent, tant pour leurs approvisionnements en matières premières que pour leurs débouchés ; leurs politiques d’insertion dans la société et leurs attitudes face aux vives réactions suscitées, dès le début du XIXe siècle, par les problèmes de pollution liés à leur activité ; l’adaptation de la main d’œuvre ouvrière locale ou immigrée aux impératifs de fonctionnement d’une usine chimique. Les marchés, l’environnement, le social : trois aspects qui demeurent finalement toujours d’actualité et dont l’importance démontre que la réussite industrielle repose non seulement sur une gestion rationnelle des facteurs de production, mais aussi sur une bonne intégration de entreprises dans les espaces de fonctionnement qui leurs sont nécessaires, tant du point de vue économique que du point de vue sociétal.