Iles de Marseille
La nature sous le vent
- Edito -
Il est des villes tièdes. Il est des villes du juste milieu et du quant-à-soi, des villes du consensus, des villes du comme il faut et du bon chic bon genre.
Il est des villes où un mot de travers est une faute de goût, où les antagonismes sont lissés, policés, époussetés au plumeau des bonnes manières. Il est des villes qui ne ressemblent pas à Marseille. Ici, le parler haut est un exercice de santé, l’invective, l’un des beaux-arts, les bonnes manières sont en toile émeri, les antagonismes, magnifiés. Ici, on joue à la mauvaise foi comme ailleurs au bridge ou au jacquet: avec le plus grand sérieux et un respect scrupuleux des règles. Le consensus? Un produit d’importation, à consommer avec modération. Marseille possède le talent unique de faire vivre ensemble tous les contraires, de rechercher le plus grand multiple plutôt que le plus petit dénominateur commun. Quelle autre métropole en Europe saurait faire cohabiter le vacarme de la Canebière ou du Panier et la quiétude du Frioul, la modernité urbaine et l’exceptionnelle réserve naturelle du Riou? Marseille est accueillante aux migrants et aux grands navigateurs: le puffin cendré, son cousin de Méditerranée et l’océanite tempête ne s’y sont pas trompés. S’ils nichent ensemble, c’est ici et nulle part ailleurs. Le faucon pèlerin, un peu racaille, un peu parrain, tient sous sa coupe le marché de la caille, de la grive et du râle des genêts. Avis au julot qui prétendrait venir y braconner. Ce Territoire remarquable, nous l’avons fait marseillais: tissé de préjugés assumés, de partis pris revendiqués. Nous avons réduit Marseille à sa face nature. La circulation impossible? La pollution? La concentration démographique? Tout ça n’existe pas, puisque nous l’avons décidé. Marseille est une perle de nature, un paradis de faune et de flore, un trésor ornithologique et pélagique. Et rien d’autre. Ces 52 pages réalisées en collaboration avec le CEEP, Conservatoire-Études des écosystèmes de Provence, sauront vous en convaincre. Sinon, té, c’est qu’y a vraiment pas moyen de discuter avec des gens comme vous.
Jean-Jacques Fresko, rédacteur en chef
50 p (2006), Nombreuses illustrations
Terre sauvage supplément du n°222
Novembre 2006