L'incendie des Nouvelles Galeries en 1938


    Le vendredi 28 octobre 1938, le mistral, qui souffle depuis la veille, redouble de violence. Les commerces et les bars ont rentrés leurs auvents et leurs stores. Aux Nouvelles Galeries, les employés ont pris les mêmes précautions. À midi, pendant la pause du déjeuner, plus de 1100 personnes se trouvent à l'intérieur. Un quart d'heure plus tard, de la fumée s'élève au rayon des tissus, une vendeuse donne l'alerte. En rien de temps, les flammes se propagent transformant bientôt le magasin en brasier. Les gens s'affolent, hurlent, cherchent à sortir de ce piège de feu. Au rez-de-chaussée, c'est la panique. Dans les étages, des femmes, affolées, se précipitent aux fenêtres, prêtes à se jeter dans le vide. Des gens s'évanouissent d'autres, se transforment en torches vivantes.

    Les secours tardent à arriver, et les badauds, malgré les efforts de la police, s'agglutinent sur la chaussée pour ne rien perdre du spectacle. Soudain, les vitres explosent sous l'effet de la chaleur et des langues de flammes, traversant la Canebière, viennent lécher la façade du Grand Hôtel Noailles, d'où l'on évacue les délégués du Parti radical. Édouard Daladier et les ministres sont hébergés à la préfecture des Bouches-du-Rhône.

    Les autres clients de l'hôtel sont accueillis sur les paquebots Patria et D'Artagnan mis à disposition par les Messageries maritimes.

    Une épaisse fumée se répand sur la ville. L'incendie se propage aux maisons voisines, sous l'effet du vent. Daladier, hors de lui, s'écrie devant un journaliste de Marseille-Matin: "Qui commande ici? Il n 'y a donc pas un homme pour diriger? C'est lamentable!" De son côté, Édouard Herriot appelle en renfort les pompiers de Lyon. Indéniable, l'incurie de Marseille saute aux yeux de tous. Les pompiers, mal équipés, sont gênés par 10 000 spectateurs qui encombrent la place. Ils disposent de trop peu de lances, et l'eau manque de pression pour atteindre les étages. Les échelles sont trop courtes. Les prises de tuyaux ne s'ajustent pas aux prises d' incendie. Les hommes du 14 1 e RIA, du 8e tirailleurs sénégalais, des gardes mobiles et des marins mettent en place un cordon de sécurité pour contenir la foule. On déroule sur la Canebière d'énormes manches à eau qui puisent l'eau dans le Vieux-Port pour la projeter sur les toitures. Les sauveteurs reçoivent le renfort des pompiers de Toulon, Berre, Arles, Miramas, Martigues, Tarascon et arrivant à minuit par train spécial, de ceux de Lyon. Toute la nuit la lutte contre le feu se poursuit. Au soir du 28 octobre, un premier bilan fait état de 4 morts et 18 blessés. Mais le bilan définitif sera beaucoup plus lourd : 73 victimes, des dizaines de blessés et des dégâts matériels considérables. Quelles sont les causes? L'hypothèse d'un mégot jeté par un ouvrier travaillant sur le chantier a été avancée. Le feu aurait couvé puis éclaté lorsque les employés auraient ouvert et les portes du rez-de-chaussée, entraînant un violent appel d'air, aggravé par l'ouverture des fenêtres dans les étages et la folie du mistral.

    Le 20 mars 1939, Henri Tasso est destitué. Le gouvernement décide de réorganiser le service des pompiers de Marseille. Ainsi sera créé le bataillon des marins-pompiers de Marseille, seul point positif de cette triste affaire.


A lire :    Enfer sur la Canebière : l'Incendie des Nouvelles Galeries de Patrick Dalmaz