Renseignements tirés des Archives communales " Comité du vieux Marseille. " Les Bastides " - 1er trimestre 1983.
Tout le quartier de Mazargues était un paysage verdoyant de grandes bastides: que sont-elles devenues?
Les Bastides " spécialités " de Mazargues depuis le XVII° siècle
Qu'en reste-t-il aujourd'hui ? Quand on connaît un peu l'histoire de Marseille, il suffit de s'y promener pour être interpelé par tous les noms de résidences qui se sont construites depuis 1960.Toutes sans exception rappellent dans leur nom la bastide dont elles ont pris la place. Quelques rares fois, le promoteur a " sauvé " la demeure qui reste enfouie au milieu des immeubles, les parcs, abritant le béton. Il en est ainsi de : BELLEVUE, 143 av. Paul Claudel (disparue) LA CAMPAGNE BETHFORT, 14 av. Viton (disparue) LE BOCAGE Bd de Ste Marguerite (disparue) BOIS FLEURY place de St Tronc (disparue) CHATEAU-SEC Chemin J. Aiguier (disparue) CAMPAGNE DROMEL Bd Romain Rolland (disparue) BASTIDE ENTREMONT (campagne SALVATOR) Bd de Ste Marguerite (disparue) LA BASTIDE PASTORET (disparue) aujourd'hui collège vallon de Toulouse BASTIDE GENEVIEVE Chemin de la colline St Joseph (disparue) BASTIDE HESSE dite LEI ROURE 31 Bd Gilibert ou Bd Vidal (disparue) BASTIDE HOMSY ou Campagne " Russe " aujourd'hui école de Coin Joli. BASTIDE ILLYSSIA aujourd'hui ensemble résidentiel " Allée des pins " CHATEAU LAFON aujourd'hui Caisse Régionale d'assurance maladie LA MAZERADE qui fût divisée en 2 Bastides : LA MATHILDE auj. ensemble résidentiel et CHAMP FLEURI aujourd'hui collège S. MENU BASTIDE Les MICOCOULIERS BD Paul Claudel (disparue) BASTIDE LA MIGNONE Ancien chemin de Ste Marguerite (disparue) BASTIDE RENOUX dite de Montfuron, dite La Pugette disparue lors de l'agrandissement de la foire ainsi que quelques autres du Rouet vers 1958. BASTIDE PASTRE (sans rapport avec celle de Montredon), trav. Pastre ex trav. de la chaîne BASTIDE LA PAULINE Bd Romain Rolland remplacée par l'ens. résidentiel du même nom BASTIDE LA REYNARDE absorbée en 1920 par l'hôpital Salvator. BASTIDE LES ROCHES disparue en 1970 BASTIDE LES ROSES (disparue) BASTIDE HONNORAT ou Ste EMILIE LES TILLEULS Bd P. Claudel BASTIDE ODDO ou St JEAN 75 chemin de cassis BASTIDE ROSSOLIN ou St JOSEPH (disparue) BASTIDE PICHAUD ou BENET ou St PAUL 300 Bd Ste Marguerite BASTIDE LA SOURCE, chemin J. Aiguier ex chemin de la Grande Bastide BASTIDE TAYLOR ou campagne PALMER chemin J. Aiguier BASTIDE LE TRIOULET av. aviateur Lebrix (disparue) BASTIDE VALESCURE Bd Romain Rolland (disparue) BASTIDE VERT PRE, chemin de Ste Marguerite BASTIDE DE LA VILLEWELS, Bd P. Claudel (disparue) CHATEAU CHAMPION à Coin Joli (disparue) BASTIDE LA GAYE aujourd'hui C.N.R.S. BASTIDES ESTRANGIN, ESPANET au Cabot, FONTFROIDE, JOLI-BOIS, LAMALGUE, MASSOT, LA NORMANDE, LA PASTEQUE, LA PIBOULO, LE PORTAIL VERT, PREBOIS, LE TEMPLIER, LES THUYAS. Autant de demeures qui ont disparu dans l'essor démographique de Mazargues, Ste Marguerite et Ste Anne à partir de 1960. On peut donc compter, rien que dans les 8° et 9° arrondissements, 47 bastides qui ont disparu sans compter celles qui ont été incorporées dans des lotissements ou transformées en bureaux divers, pensionnats ou cliniques, voir mairies de secteur !
Y a t-il dans notre quartier des Bastides encore habitées ? Oui bien sûr mais elles sont rares car très difficiles à entretenir ! On doit en compter à peu près une dizaine : l'ARMANDE, LA SAUGEAIE, LES CEDRES, LA D'ARBUCELLE, SOLVERT, L'ADELISE, LES ALIZIERS, LES ANTILLES, L'AROUMIAS, LA MAGUELONE, etc…
Quels rôle et fonction ces Bastides avaient-elles ? D'après les documents (lettres de l'intendant Arnoul à Colbert en 1668 et livre d'Alfred Saurel au 19° siècle) les Bastides avaient deux aspects primordiaux : Besoin de villégiature du citadin Outil indispensable pour réfléchir aux affaires. Madame de Grignan, fille de Mme de Sévigné et femme de l'intendant de Provence en signale 10 000 dans la région marseillaise au XVIIème siècle. Quant à Stendhal c'est pour lui la passion dominante des marseillais, c'est pour cela qu'il n'y a pas de spectacle le Samedi à Marseille ".
Bastide : en français = petite maison de campagne = Bastidon en provençal = bastido = bâtisse solide et massive elles étaient cachées à la vue, derrière leur écran de verdure précieux dans nos régions de canicule, et à l'abri de murs d'enceintes élevés. Ces Bastides n'étaient pas l'apanage d'une classe sociale riche mais d'une large part de la population, au niveau de vie très varié avec pourtant un point commun : ils étaient tous dans le commerce, du cordonnier au négociant (seuls les milieux populaires remplaçaient la Bastide trop onéreuse par le cabanon plus à la portée de leur bourse.)
La Bastide classique est celle du XVIII° siècle : c'est d'abord une propriété rurale de rendement avec ferme et maison de maître ; la maison comprend le plus souvent deux étages sur rez-de-chaussée avec façade au midi ornée d'un cadran solaire, les murs en poudingue, conglomérat sédimentaire formé de galets, et non pas en calcaire trop dur, et en pierre de taille, le tout ayant 0,70 cm. d'épaisseur à la base et 0,45 au 2ème étage, afin d'être protégé contre le froid et l'humidité de l'hiver et de la chaleur de l'été. Parfois une terrasse servait de Belvédère. La porte d'entrée à double battant se trouvait au milieu de la façade parfis avec un perron de quelques marches. Enfin cette façade était crépie. Ensuite une maison dans laquelle le rez-de-chaussée au plafond très élevé avec poutres apparentes ouvrait sur un vaste vestibule dans lequel donnait le salon de réception t la salle à manger. La décoration est simple : une cheminée de marbre, un carrelage de mallons noirs et blancs. L'escalier menant aux chambres est recouvert de tomettes d'Aubagne et il surplombe les cuisines et leurs dépendances. Les chambres s'étirent le long d'un corridor. Le logement du " Mégié " ou fermier comportait un cellier et l'habitation au premier avec une grande cuisine où trônait la " pile " et le " potager ", ainsi qu'une chambre. La bâtisse se complétait d'une écurie, d'un hangar, d'un grenier etc…
Enfin un havre de fraîcheur depuis la construction du canal en 1849, les platanes côtoient les pins parasols, les primeurs du potager et les jardins d'agrément jouxtent les essences sauvages, les allées bordées d'arbres longent de magnifiques pelouses. Quelquefois, on ose créer des cascades, des lacs artificiels, de faux rochers et des imitations de grottes (ex. Michelet St Jacques.) Ces propriétés étaient encloses de murs longeant les " traversiers " sur lesquels elles ouvraient par un grand portail en fer forgé soutenu par 2 piliers ornés souvent d'urnes. Au bout de l'allée se trouvait la bâtisse avec souvent à l'entrée des vases d'Anduze, vernissées, remplies de fleurs.
Qui les habitaient ? Du 19ème siècle, symbole de la réussite commerciale de leurs propriétaires, elles sont désormais habitées à l'année. Le terroir marseillais était au 18° siècle divisé entre 8 à 10 000 propriétaires, chacun possédant environ 1 hectare. La Bastide leur servait de résidence d'été où ils amenaient leur famille mais aussi leurs amis et un important personnel domestique. Ils étaient intégrés à la communauté villageoise à laquelle ils participaient et de plus ils avaient une vie mondaine brillante car ils fréquentaient les propriétaires des bastides environnantes. Cette vie a subi une profonde mutation.
Au 19ème siècle les bastides perdent leur cachet typiquement provençal. Pour devenir similaires aux grandes maisons bourgeoises, cet art de vivre va disparaître avec la première guerre mondiale : l'évolution des transports réduit les distances, les faubourgs se rapprochent de la ville et deviennent des quartiers à part entière. Enfin, les années 1958/62 sonnent le glas des " campagnes " qui sont loties, les vieilles bastides disparaissent derrière le béton et souvent sont carrément détruites.
Une grande quantité de ces bastides s'étendaient dans le quartier de Ste Marguerite ; son territoire comprend les hameaux de St tronc, la Panouse, le Cabot, le Redon, le Fangas, Vaufrèges, qui se situent à 3 kms du centre ville. Les bornes sont : au Nord, le rouet et la Capelette à l'Est, St Loup, Pont de vivaux, St Marcel, St Menet, à l'Ouest, Mazargues, la mer, Ste anne et St Giniez. Le lien étant le " chemin de Marseille à Cassis " (devenu les Bd de Ste Marguerite, du Cabot et du Redon). Enfin le Bd Michelet le sépare de Ste anne et de l'Huveaune tandis que le Bd Romain Rolland le sépare du centre vilel. Le nom de Marguerite d'après A. Saurel dans son ouvrage " la banlieue de Marseille " semblerait venir de la route pratiquée au travers des marais menant au gué de l'Huveaune i e. Maris guadi iter = le chemin du gué de la mer et les trois mots amalgamés auraient donné Marguerite. Celui du Cabot viendrait de Cab qui en provençal désignait le Cabaret. St tronc aurait été un lieu habité par les CENTRONS - CENTRO - SANTRO. Dans une charte du 14° siècle : SANCTUS TRONCUS- SANT TRON et enfin SAINT-TRONC en 1614. Enfin le VALLON DE TOULOUZ qui a perdu son " Z " au fil du temps tenait son nom de son propriétaire du 17° siècle. Tandis que LE REDOUN devenu le Redon tenait son nom de son propriétaire du 17° siècle. Tandis que LE REDOUN devenu le Redon tenait le sien d'un rond ou terminus couvert de pins en fin de route et débouchant dans la VALLIS FRIGIDA -VAUFREGES, au pied de la Gineste, fief des exploitants de fours à chaux.